Τρίτη 5 Ιανουαρίου 2010

Camus, l'homme tumultueux


Le 4 janvier 1960, la France est sous la neige. Albert Camus rentre à Paris avec son éditeur Michel Gallimard. Sur la banquette arrière, il a posé le manuscrit inachevé du Premier Homme qui marque le début d'un troisième cycle de création. Au Petit-Villeblevin, dans l'Yonne, la RN5 est sinueuse et un arbre planté comme un gros sceptre dans un virage. Sous le choc, la tôle se froisse aussi facilement que du papier.

Avec la mort d'Albert Camus s'éteint - pour un temps - une certaine idée du bonheur et un sens de la justice tenu comme gouvernail dans la tempête. Il estimait que la charge de l'écrivain est motivée par un double devoir, " le refus de mentir sur ce que l'on sait" et "la résistance à l'oppression". Au nom de la lutte des classes, de la guerre froide, de la politique placée au-dessus de la morale, d'autres ont sombré.

Albert Camus (1913-1960) savait que sa génération ne referait pas le monde, mais pouvait au moins, disait-il, s'employer à ce que celui-ci ne se défît pas. Il tenait la liberté pour "le plus haut et le plus sûr des biens". "Je n'ai jamais pu renoncer à la lumière, au bonheur d'être, à la ville libre où j'ai grandi", avouait-il dans le célèbre discours de Stockholm, qu'il prononça après l'obtention de son prix Nobel en 1957. Il y confiait être "riche de (ses) seuls doutes et d'une oeuvre encore en chantier".

Ce sont les dix dernières années de sa vie, période de doutes et de gloire internationale qu'a choisi de restituer Camus, téléfilm de Laurent Jaoui proposé par France 2. Une période en noir et blanc, bipolaire, exempte de nuances, où le philosophe est pris dans la tourmente.

Pour avoir dénoncé les goulags, L'Humanité le qualifie de "chien de garde des capitalistes", tandis que Sartre, après une amitié de quinze ans, lui signifie son congé en termes méprisants à la parution de L'Homme révolté. Avec les événements d'Algérie, l'exilé revient à Alger pour prononcer un discours public, où il dénonce le "meurtre des innocents" et le terrorisme. Peine perdue, le temps est à la haine et à l'affrontement.

Dans sa vie privée aussi, Camus est piégé dans un conflit de loyauté. Passion pour l'actrice Maria Casarès, aventures avec d'autres femmes, le séducteur ne peut épargner à son épouse Francine (jouée par Anouk Grinberg) les souffrances de la femme délaissée. Dans le rôle-titre, le comédien Stéphane Freiss ressemble à l'écrivain : visage oblong, contemplatif, cigarette aux lèvres, front dégagé, prestance de la silhouette.

A quelle aune juger la tentative de porter à l'écran la biographie d'un écrivain, à tout le moins une tranche de sa vie ? Au plaisir du visionnage ? Selon ce critère, Camus se regarde sans déplaisir. Ce n'est pas une oeuvre poussive, encore moins une fiction à la réalisation et à l'interprétation bâclées. Une voix off donne même à entendre parfois l'auteur à son écritoire. Il y a la Provence de Lourmarin et, en flash-back, le quartier d'enfance de Belcourt, à Alger, le logement miséreux, sa mère, ombre parmi les ombres, et l'épisode décisif où l'instituteur Louis Germain convainc sa grand-mère de le laisser poursuivre ses études. Il aura une bourse, des cours particuliers. Et l'avenir qu'on lui connaît.

Les familiers de Camus, au moins dans ses grandes lignes, ne découvriront rien, dans cette entreprise de vulgarisation, qu'ils ne sachent déjà. Ils ne détecteront pas non plus d'erreurs factuelles. Même la phrase sur sa mère et la justice, qui fit si souvent l'objet de raccourcis et d'interprétations erronées, a été placée là où elle a été proférée : lors d'une conférence de presse, en réponse à une question formulée en termes plutôt agressifs.

Cette adaptation filmique bénéficie de l'assentiment d'Olivier Todd, biographe de Camus, pour qui elle reflète l'idée qu'il se fait de l'homme de théâtre et du philosophe : un homme fidèle à ses idées, infidèle de corps.

Le réalisateur Laurent Jaoui jette une lumière crue sur la volonté insatiable de Camus de séduire et la dépression de son épouse (paranoïa, internement psychiatrique, tentative de suicide qui fut l'une des sources d'inspiration de La Chute). Rien de l'enfance gorgée de soleil et de sensations qui lui rendit sa misère fastueuse et fut primordiale dans la formation de sa personnalité. A l'écran, les difficultés d'élocution de sa mère malentendante ont été gommées. Néanmoins, ce téléfilm donnera peut-être envie à ceux qui le regarderont de mieux connaître l'oeuvre de Camus, seule forme de Panthéon qui vaille.

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